Nombre total de pages vues

mercredi 10 février 2016

Petites recettes faciles - 2

Pour faire un monde qui coule dans un moule, puisez un peu de pétrole, un peu de Vitrolles, un petit pactole, faites spéculer à l'aide du fouet
Faites monter votre régime sous le manteau en prenant garde que cela ne se flaire trop
Réunissez quelques commis prêts à vous prêter main forte
Ne lésinez pas sur la dose de coups bas
Ne réprimez aucunement la rage logeant dans les viscères
En cachette, écrasez sans modération vos mégots sur le front des malades mentaux et lavez-vous les mains; cette recette doit être facile et rapide

Déversez de la haine macérée plusieurs années dans le moule qui, déjà, prend forme...
Remplacez l'âme et le corps des anciens manuels par l'or et la came, il faut être actuel

Un monde dans un moule, ça ne tourne pas rond : aussi ayez les idées droites, le geste affiné et les villes quadrillées; cela vous sert puisque c'est le moment de choisir quel quartier écraser en premier

Nous vous conseillons d'ajouter à la marmite le quartier de pieds noirs dont vous aurez préalablement retranché les cous. Couvrez toute tentative mutine et laissez mijoter

ATTENTION cette opération est délicate:
sur le ventre d'un mioche, posez une feuille de vigne puis un fer à cheval bien rouge, serrez le tout avec de la grosse ficelle, mettez à gros bouillon tout en ôtant l'écume et les mots de la bouche de l'enfant

Malaxez ensuite - n'y allez pas avec le dos de la cuiller - les peaux brunes et rousses et deux cervelles fraiches d'hier d'un nègre qui tourne au blanc et d'un rabin de souche.

Pour épater vos amis, découpez dans chaque tranche de vie deux triangles : disposez en étoiles, un rose, un jaune, un rose, un jaune...
Avec les chutes, tapissez l'intérieur d'une terrine que vous glissez au four suffisamment préchauffé. 

ATTENTION pour savoir si la terrine est cuite, enfoncez une brochette dans les lambeaux de chair: la pointe doit ressortir bouillante, légèrement humectée.
Faites bien monter la pression -toujours sous le manteau- sinon la graisse remonterait à la surface et avertirait la campagne environnante de votre petite cuisine.

à table....


Petites recettes faciles

La patte brisée



Mélangez Farid, Shel, beurs à deux aubergines bien mûres préalablement farcies de pain raci en frottant les paumes de la main l'une contre l'autre

Après les avoir fait dégorger, bourrez les aubergines d'intentions mauvaises

Echauffez les muscles de Shel, préparez moralement les pieds de Farid à se faire briser

Une fois chaque ingrédient bien conditionné, battez le tout avec un fouet jusqu'à ce que violence monte et tourne au vinaigre

Dès que la vie d'un des deux nègres est toute prète à craquer, écrasez-là doucement avec les mains, étalez, faites de légères entailles et un trou au centre, que vous maintiendrez ouvert avec une petite
cheminée

Faites blondir, faites flamber.

Saupoudrez le Shel flambé des restes de Farid -dont vous aurez conservé une patte.

Pétrissez vivement. Mettez en boule. Pétrissez encore. Remettez en boule. Cela trois fois minimum et plus selon votre bon plaisir.

Prenez la patte de Farid entre vos mains, (les aubergines ont maintenant disparu dans la farce) et brisez-là.

Petites annonces

Chaise électrique d'origine américaine, bien faite, très bon état de marche cherche volontaire peine de mort car se sent bien seule ici en Europe


Planète Terre au bord du trou noir (peuplée) rencontrerait autre forme de vie pour suivre nouvel orbite et plus si affinités
Pas sérieux s'abstenir


Petite annonce contenant recette du bonheur et contenue dans bouteille lâchée dans le cosmos appelle esprit ivrogne dans vie antérieure


Futur antérieur cherche conditionnel passé 2ème forme pour relation infinitive et plus que parfaite, verbe défectif bienvenu. Particpation aux frais de déplacements des suffixes possible.


Pute de campagne en fin de carrière opère tarifs promotionnels cause infections sexuelles superficielles
Ecrire à la gazette, qui transmettra quand même


Couple gros insectes au dards très développés cherche mouches à enculer (cloportes, doryphores acceptés)


Etat malade avancé cherche à reculer les limites de l'absurde pour mieux sauter chacun de ses ressortissants


Monsieur 69 ans T B éducation, mœurs irréprochables, gros porte feuille, propriétaire arrivé cherche Dame dépensière, austère, autoritaire pour prise en charge domestiques désœuvrés


Femme politique à la langue de pute cherche chef d'état à la langue de bois pour langoureux baisers de crécelle


Etat malade télévisé cherche salades pleines de vers pour diffusion poésie totalitaire


Etats déjà réunis cherchent petits états isolés sans défense


Coq en pâte cherche aube en gelée pour chant cristallin apéritif

S’achève le temps - propos d’enfants



Quand le temps passe près de nous on grandit grâce à lui
Il est toujours partout mais parfois il est quelque part
Si on veut on peut le tuer, mais comment ?
Si on veut on peut le gagner mais il en faut pour tout le monde
Le temps ne peut pas mourir car après lui un autre arrive, vite, vite, un autre temps….
Si j’aime j’ai toujours le temps mais des fois oui des fois non
Le temps est dans l’aiguille, le ciel et la philosophie
Le temps le tient-on dans les mains, le touche-t-on, file-t-il vraiment entre les mains ou reste-t-il prisonnier dans la pendule ?
Quand je dors fort, j’arrive en retard
Le temps passe plus vite pour les enfants que pour les adultes : ils l’entendent passer avec l’électricité du réveil et le bruit des aiguilles
Les adultes ont des réveils à aiguilles transparentes, des chiffres carrés, chez eux le temps ne passe donc pas
Ils ne peuvent pas lire l’heure
Mon père est un réveil ; pour savoir l’heure je regarde maman
Le temps ne passe pas dans le même sens voilà pourquoi on peut voir des dinosaures
Quand il passe doucement il s’arrête mais après il repart
Nous les êtres humains le temps s’arrête mais continue quand nous ne sommes pas sur terre
On oublie le visage et l’on oublie la voix
L’autre qu’on adorait, qu’on cherchait sous la pluie… entre les mots entre les lignes et sous le phare d’un serment maquillé qui s’en va faire sa nuit… tout s’évanouit
On ne sait pas l’attraper et sans cesse on le perd
C’est très bien dur le temps, les parents le disent qu’il est dur, qu’ils sont durs
Même au singulier il prend des S
Je veux passer une robe aux couleurs du temps : transparente
C’est une robe qui est dans un livre : qui dure toute une saison alors on la mesure
En tous cas c’était mieux avant la vie, avant dans les ventres
Quand j’étais petit j’ai fait presque le tour du monde : en mille ans et je comptais les heures
Il ne me fait pas peur car je vais plus vite que lui j’ai pas peur même s’il va plus vite qu’une flèche, à fond la caisse
Le temps c’est quand, le temps c’est maintenant

Humain sine qua non


Amasse tant que Veux
tu ne pourras pas te payer la Valeur humaine
sans crainte ni désir
Change ton chemin retourne à la chaleur humaine
Tu ne sauras pas
te détourner de la question humaine
un trou peut en cacher un autre
qui vient répandre l'humaine Lumière

Actionne tant que Veux
tu ne pourras pas miser sur la Valeur humaine
sans crainte ni désir
tu avances dans les rues de clin d’œil en humain
Tu ne sauras plus
te passer du propre de l’humain
un fou peut en cracher un autre
qui souffle la bienveillance sur tes paupières

Déracine tant que Veux
tu ne pourras pas te taper la Nature humaine
sans crainte ni désir
Ignore le Vent futur ou la mémoire humaine
Tu ne voudras plus
de toutes façons te rappeler les horreurs humaines
Un souvenir demeure de chaque geste
qui restera gravé dans les années lumière

Efface tant que Veux
de la carte les restes humains
sans crainte ni désir
Tu ne manqueras pas d'encore croiser l'humain
Tu ne voudras plus
le connaître en ton âme inhumaine
Son souffle en ravira un autre
qui vient de naître à la lumière

Je lève mon verre



1



Je lève mon verre
La particularité de ce verre tient dans la courbe de sa coupe. A digestif, petit sur patte, il fut conçu au Portugal pour les gens ayant un minimum de savoir vivre, tous alcooliques. Les ceux à gros pif plus précisément. Le goulot, une fois le verre posé sur la table, voyez, est tout à fait oblique. D’un haut vers le bas, une coupe non horizontale, de telle sorte que lorsque, bientôt sur le point de devoir le remplir à nouveau, joie de l’ultime gorgée bourrée d’éthyle, vous l’élevez, tête penchée, aux narines, votre pif n’est plus une gêne et ne bute pas contre le rebord. Il vient comme entrer dedans le verre. Cochon, tu t’rues dans ton vice.


A la terre je le lève
La particularité de cette terre étant qu’elle n’ait donné de nom à aucun de nos jours de la semaine. Des jours de lune, de Mars, de Mercure, de Jupiter, de Vénus, de Saturne, du Soleil mais point de notre si proche et chère Terre. Point de Terdi.
A l’appel, autrement, manque aussi Uranus. Pas d’Uradi qui tienne, ni de neuvième jour. Qu’en aurions-nous d’ailleurs fait ? Certain que sur cette terre, dans la balance aurait penché une évidente occasion de faire trimer plus et encore. Le neuvième jour c’est plein le cul qu’on bosse.



Je le lève et observe la petite quantité d’eau de vie, traversée par la lumière de l’ampoule au plafond. Clignant le regard, est révélée la propriété salutaire du jeu. Dans le peu de prisme d’un reste de bagaço portugais, dans le bar de cette tête, on saisit si l’on s’y penche, qu’on n’a rien à glander d’autre, la propriété bénéfique du peu de quantité que la lumière affleure. Ode à la quotte part.



Je lève un verre à Jeanne Moreau et Brigitte Fontaine car elles ne sont pas mortes et je suis français. Ce sont de nos chanteuses qui dans mon cœur sont. Voix de la gravité, mélodies de la dérision, tendres fatales elles sont de l’Histoire et du fantasme de notre Histoire. Ni importantes, ni femmes éternelles, mieux elles sont essentielles le temps que l’existence les écoute minutieusement. A ces chansons lentes, il semblerait que mon verre aurait comme l’envie d’être basardé direct scratché au mur à la russe ; car tant que j’ai, dans cette pièce, au cœur de ce bar, la joie de boire et d’entendre Brigitte et Jeanne, il s’avère que le monde est fini et décidément beau.



Il en va comme des étoiles dans le ciel : c’est en petite quantité qu’un ciel s’observe. Perte de temps que d’embrasser d’un coup. Illusoire. Présomptuosité. Présomption d’arrogance soudain tombe sur vous. Le simple petit espace entre les 4 étoiles de telles prétendues constellations aura raison de toute ma vie puisque c’est de soi qu’un écrit parle.



Puisqu’elles sont mortes ou bientôt mortes que je suis français, je regarde les étoiles un peu suspect. J’ai bien compris ce petit jeu qu’une vie passée à croiser furtivement des regards est une vie vide de sens. Il faut s’arrêter, opter pour la capture de regards concentrés. Aiguiser le sien et s’ancrer à celui des autres. Avec insistance, acharnement, s’exercer à un échange profond, patient, fixe des regards. De même s’arrêter et scruter entre les 4 étoiles serrées la portion de profondeur qui s’offre à l’imagination, car de Vérité en les yeux, l’apparition est conditionnée par le peu de quantité qu’elle s’emploie à questionner.



L’on comprendra alors que je lève mon verre à l’autre de mes folies



On me ressert, soudain que j’hurle qui c’est qui me ressert ?
Empli de nouveau, j’hurle derechef stop stop stop je hais que l’on me serve de grandes quantités. Il me faut 45 minutes environ pour absorber tout un centilitre à partir de 52 degrés. L’eau de vie il me la faut transparente mais volontiers verte ; l’ocre ambré peut candidater, les Chartreuses invitées, les irlandaises les bourguignonnes les portugaises les ukrainiennes le sont aussi. Pourvu que quelques gouttes, humectées, portées sur les muqueuses s’ébahissent amplement dans la gueule parfumée, là à l’intérieur du palais, suffisent.



Aux cieux je lève la tête aux yeux clos parce que toutes les chanteuses françaises sont des cloportes et les mannequins des magazines Elle et autres Madame des rats de rivière. J’hume en ce monde aux yeux clos, aux possibles ouvrés, un arrière goût de magie infinie. Y’a comme un blème de compréhension que l’humanité se rend pas compte qu’il s’agit pas de comprendre. Qu’il s’agit au contraire de faire, créer sans cesse, dans l’espoir de révéler. Inventer, présentement, la vie.



A ces cieux innombrablement possibles donc en ce soir imbibé et libre je lève un verre les lèvres tranquilles et sauvées. Maudites. D’elles s’échapperaient bien des pensées à voix haute, des pensées à voix basse, des pensées à voix tièdes qu’alors si elles se chantaient passeraient à toute blinde pour des sauvages. Brutes et radicalement irrémédiablement obsédées par les choses des trous noirs elles feront dire –les pensées- aux lèvres les insanes 4 Vérités, les mille autres bonnes et les qui rendent inconsolables. A ces cieux un peu brumeux fumeux plutôt, le verre et la lèvre paisible sortiront des gonds de leurs portes. L’incompréhension demeure.
                                                                    


C’est un monde cruel : buvons 
C’est un grand bonheur : buvons 
C’est parfaitement injuste : buvons
ou immoral 
c’est un amour désespérément perdu : buvons
Insoluble, inadmissible, hilarant, buvons



Bon, semble pas qu’on puisse voir grand-chose de bien excitant a priori entre ces 4 étoiles ; illusion d’une proximité entre elles. Et quoique loin de toute lumière des villes, et quoiqu’allongé dans la verdure et voué tout entier à la télescopie de ma petite pièce de ciel, c’est clair il ne se passera rien. Tu perds ton pauvre temps.

Mais c’est pourtant bien armé de mes seuls yeux nus soyons-en persuadés qu’à l’Homme apparaîtra soudain l’invention du monde.



Avec l’effondrement de tes repères.
Au commencement est l’oubli du savoir.
Désencombrement des quotidiens passés.
Déstructuration totale mentale.
S’agisse d’inventer l’arrière grammaire ou le futur presque parfait.



Mes yeux expriment carrément, en cet instant, un présent plus que défait, l’heure est tardive, les chansons coulent dans l’air à flot ; nulle part ne passe en même temps ;
bref les pays sont peuplés, sont loin dans d’autres vies, cerné que nous voilà de milliards d’individus-lumières ; l’âge passe, j’y bois mon dernier j’enlève la dernière larme j’y lave mon verre il faut dormir



Semble bien qu’on puisse d’un seul jet d’un même geste et résumer le monde et se tromper sur lui. Faux total faux total à côté H.S.


Depuis tout petit, je suis prié de faire des efforts je suis prié de me taire davantage je suis prié de chanter encore et de créer toujours je suis prié d’approfondir prié de ne plus recommencer et de bavarder moins. Voilà comment l’on fit de moi un élève tout puissant, sans cesse à me prier. A l’entonnoir l’on nous éloigne d’apprendre, faux préceptes, fallacieux arguments dès tout petit du pouvoir que les supérieurs veulent conserver ; par voie de conséquence la proposition est de toujours davantage se laisser gaver, d’emmagasiner, d’obéir

Tandis que de son côté, salutairement, la conscience prépare l’expulsion salvatrice et la crache bientôt à la face de l’Auteur autoproclamé.



Alors, prié d’être un peu plus clair dans mes démonstrations, dans le propos, voilà ce qu’il faudra alors plutôt simplement dire :

2



Les millénaires apportent toutes les questions, les entraînent à se complexifier tandis que les millénaires n’ont en rien apporté grand sagesse. De la langue primaire à la langue sms nous irons repasser. Toujours plus abouties la linguistique, la mathématique, la technologie de pointe, la nanoscience vont bientôt enfin commencer à inventer la roue et à savoir compter. L’Humanité à se connaître et savoir vivre, Une.



Car en Vérité toute relative, je le révèle : 1+1=0 (ça, c’est dit… on ne l’aura pas volé)



Démonstration démente :

Pensons-nous qu’il soit vraiment possible -réellement sérieux- d’inventer, de postuler –à l’observation de la réalité- 2 unités distinctes qui soient parfaitement identiques ou soi-disant ou admettons de même nature ?
2 unités d’un même ensemble ? deux unités d’un même élément, deux unités d’un même …bâton… d’un même objet…d’un même photon…d’un même univers… ?

Cela est concevable et vrai dans un sens mais cela est impossible, soyons sérieux.
Le simple fait de l’existence de l’altérité et de l’individualité interdit de concevoir qu’on puisse additionner chacun. Du moins, on ne devrait pas prétendre (pensant les additionner) apposer (imposer) le signe « égalité » et croire que l’on a résolu une équation.
1 bâton plus un bâton n’est pas vraiment égal à 2 bâtons mais vraiment à zéro bâton indistinct.

Ceci est la démonstration pure, simple et fumante de ce qui nous attend : la découverte phénoménale, la compréhension fulgurante d’une immense ignorance et de lois quelque part jusque là amputées.

Ceci est la supputation que nous nous devons d’avoir : l’avenir nous dira que nous avions en grande partie non tort mais n’avions putain carrément pas vu certaines évidences.

C’est pourquoi il s’agit d’entrevoir n’importe quoi, de le formuler hasardement, de se tromper grave pour escompter comprendre les centaines de certitudes futures.



Ainsi :
1 plus 1 égale zéro
1 que j’ajoute à 1 égale aussi à zéro
1 additionné de 1 égale encore zéro
Et 1 et 1 enfin égale zéro


J’eurêkapitule : 0 = 2


J’ajoute ceci :
ni 0 ni 2 ne sont
Il n’y a qu’1



Quand à l’Egalité en France en 2010… on connaît tous la chanson : c’est comme la Fraternité ou la Liberté : un beau foutage de gueule.



Par contre, l’Union des individus, oui, fait la force. Car Arlette non plus n’est pas morte.

3



Lorsque j’étais encore fort malade –ça va mieux n’est-ce pas ?-,  j’étais convaincu de tas de choses à l’évidence démentes. Je ne voyais pas de médecin mais mes amis le disaient : nous craignons pour ta santé mentale.



Il est vrai qu’à plusieurs reprises ils me virent dans de véritables états de blocage avancé. J’entrai d’une minute à l’autre dans un état vraisemblablement inquiétant : soudain persuadé de détenir l’étrange pouvoir de sentir ou de « communiquer autrement ».
Obnubilé en fait –et cela pouvait durer d’une demi heure à 2-3 heures- par la certitude d’être passé sur un autre mode d’échange avec les autres. Je me vivais, je me savais au centre d’un jeu de regards apparemment troublés, accélérés. Mentalement, je passais à un stade d’analyse instantanée –croyais-je- de la situation… personne ne pouvait plus se permettre de mentir, je saisissais le fond des pensées, comme franchissant la barrière des regards, entrant, descendant dans le cerveau d’autrui.
Il y avait un dessous des cartes, un indéniable échange mental possible entre les êtres et la source de grandes Découvertes possibles pour les humains, pour peu qu’ils usassent de cette faculté d’aiguiser leurs regards en les fixant volontairement aux autres, histoire de voir ce qui pouvait se passer.


Il y avait en moi la conviction prétentieuse de pouvoir m’adresser à l’autre autrement.


C’est pourquoi je me dois de formuler, reformuler encore, verbaliser ces états, rapporter ces expériences. A moi-même ils demeurent inexpliqués et aux autres inexplicables. Mais tout le monde s’en tape.



Il m’est par exemple arrivé d’entrer, vers 5h15 du matin, un dimanche, au 2ème étage d’un immeuble dont la porte était ouverte.

J’étais dans la rue, j’entends de la musique. Je gravis les marches, attiré par ce brouhaha musical et humain, là haut dans un appart’ lambda. Une fin de soirée de jeunes sans doute, moi-même sortant d’une soirée bien sympathique, bien vivante, bien imbibée, bien enfumée....

Je monte, j’entre –la porte de l’appartement est ouverte- je croise une première personne, un mec d’environ 23 ans et quelques, à qui je demande d’emblée « excuse moi tu aurais du feu ? ». Il bredouille quelques mots, à moitié interloqué, un peu sur la défensive, me donne du feu et m’interroge froncé.

Un autre s’avance, idem.

C’est une soirée de jeunes, à la fois louches ces jeunes, alcoolisés et sympas ces jeunes. J’entre un peu plus dans la pièce, ils se demandent tous qui je suis. Le locataire des lieux se précipite un peu, t’es qui, qu’est-ce que tu fais là ? Un autre au bout de quelques minutes me demande si je suis des keufs. A vrai dire il emploie un autre mot que police, que keufs, que poulets, un mot que je ne connais pas, sorte de verlan argotique banlieusard. Evidemment que non et mon allure joue en ma faveur j’ai rien d’un flic. Cependant je suis là et je les regarde tous avec tant d’insistance, je parcours assez fébrilement du regard –qu’à mon avis j’ai défait- chaque membre de l’assistance, qu’il se peut que je sois un indic, des RG...  2-3 pétards tournent faut dire.

La seule fille présente a un petit bébé d’environ 8 mois dans les bras.

Il y a du hip hop en fond sonore, il y a un certain calme et une dose d’excitation dans l’air. Je ne suis pas en terrain connu ça m’exalte : un groupe de jeunes type banlieue, type fumeurs de joints, type normal d’une certaine catégorie. Bref, un groupe de jeunes a priori cool mais d’une classe qui socialement sans doute galère. Je me sens plutôt proche d’eux tout en me constatant très vite décalé, d’un look ringard..

Le ton monte chez certains à qui, plutôt que de m’adresser clairement, je lance des regards fixes, interrogateurs, séducteurs, déstabilisants.

Je réussis tout de même à clamer  je me sens bien, que je suis heureux d’être là avec vous, comme s’ils m’avaient invités et se souciaient du bien-être d’un inconnu débarqué dans la nuit. Certains sont plutôt cordiaux et me proposent un verre de pastis, voyant bien que j’ai rien d’un indic. Mais en moi-même je commence à me demander qui je suis en vérité et pourquoi je suis là, parmi cette dizaine de gars plutôt branchés bagarre ou jeu viril que partouze gay décomplexée.

L’un d’entre eux se met soudain à slamer au cœur de l’appartement, sur une bande musicale hip hop. Le bougre a un talent fou. Il improvise un flot. Des mots justes, rythmés, bien trouvés, bien agencés, un sens du rythme évident, cela coule, il le fait au centre de cette pièce centrale avec une aisance, une douceur, un engagement corporels qui m’émeuvent particulièrement.

Mon attention alors sur lui se pose, je m’appuie au mur, sirote mon pastis, décide de m’installer dans cette fin de soirée, tapotant du pied, oubliant les quelques ceux prêts à m’agresser et déjà si gentils. Je les ignore un peu et ne fais plus qu’écouter et mater ce jeune rebeu slameur d’un soir. Sa beauté est fulgurante, ses yeux pétillent, nous entrons direct en communication.

Tout en débitant son flot, ses yeux se mettent à s’attacher aux miens comme s’il ne s’adressait qu’à moi.

Je m’emplis d’amour, de douceur, soudain réconforté d’avoir trouvé un potentiel et véritable allié. La situation me ravit, me dévaste et à vrai dire me libère intégralement de je ne sais quoi.

Plus je le regarde et l’écoute, plus il avance dans son texte improvisé plus il me fascine. Je me rends alors compte qu’il est d’une grande et singulière beauté, à laquelle je n’eus pas forcément prêté attention en d’autres lieux et circonstances. En fait, c’est carrément mon type.

Ça cause, ça rit, ça échange dans l’assemblée, comme si je n’étais plus intrus, je suis là pourquoi pas après tout… On boit, on fume, on va de l’appart’ au couloir donnant sur la cage d’escalier, ça circule, ça tchatche. Je sais que certains bouillonnent encore du fait de ma présence ils en causent dans le couloir, j’entends des mots plus hauts que d’autres. Certains bloquent et demandent à tout va qui je suis, ce que je fous là, si quelqu’un du groupe me connaît.

Oui, je suis du quartier depuis 5 ans. De vue j’en connais quelques uns vaguement. Je me souviens avoir échangé quelques mots ou une cigarette dans la rue avec le locataire des lieux; plutôt un gars ouvert, bien que visiblement échaudé par sa bande et agacé par l’embrouille que je suis venu introduire chez lui, récent papa d’un garçon de 8 mois.

Mon slameur a fini de slamer et ne cesse de sourire, il respire la joie, la jeunesse, l’audace, la simplicité, la colère. Il me lance tout ça à la gueule et eut acté de même en mon absence. A l’évidence, je suis son spectateur le plus assidu. Il exprime un plaisir évident. Je le regarde, littéralement séduit et le lui dis soudain : tu es beau, qu’est-ce que t’es beau !

Je dis haut et fort aux 3-4 gars qui m’entourent et boivent tranquille un pastis : je l’aime ce mec, qu’est-ce qu’il est beau.

Stupéfaction, incompréhension…

Je le redis haut et fort : en fait je suis super heureux, d’être là avec vous. Je suis heureux. D’être venu. J’suis content en fait… je balbutie je me répète me parle à moi-même, les mots sortent de ma bouche sans que j’y réfléchisse. Je t’aime, comment t’appelles-tu ? Là, dans cet instant X, en ce lieu X avec ces individus X je suis heureux mais en danger. Je passe mon temps à demander à chacun entre 4 yeux : comment tu t’appelles ? C’est quoi ton prénom ? et toi, c’est comment ? Je suis Gena Rowlands dans le film Une femme sous influence, qui [séquence du repas des travailleurs épuisés au retour du chantier] demande à chacun, du bout de la table–avec cette douce et profonde folie-, (ce sont les collègues de son mari – Peter Falk)  What’s your name ? and you, what’s your name, et toi, beau gosse what’s your name…. ?
Jusqu’à ce que Peter Falk lance, colérique un « Shut up Mapple ! »


Ici, certains me répondent, d’autres commencent sérieusement à se chauffer, incrédules devant mon coming-out qui vient comme un cheveu dans la soupe, dans cette soirée de potes et cette culture peu enclines a priori à l’homophilie.

Personne ne comprend plus ce que je suis venu chercher.

Apparemment, je marmonne des mots à peine articulés, tout en regardant fixement tout le monde. Certains visages s’approchent de moi, viennent me parler à l’oreille sans que je bronche, comme détaché de la situation. Notamment, un certain « Arram » (c’est le prénom que j’ai cru comprendre après lui avoir demandé de le répéter, de l’épeler précisément….) s’intéresse à mon cas et ne cesse de me poser des questions : tu habites où, tu es qui, tu t’appelles comment, t’as pris des produits, ça va, qu’est-ce que tu veux, tu parles l’arabe ?  Puis parles-tu araméen ? tu parles araméen ? il insiste…..

J’entretiens avec lui un dialogue concentré et foutraque à la fois mêlé de respect, de méfiance, de confidence, de fraternité… comme si nous étions deux êtres d’une espèce différente mais deux âmes proches et similaires. Curieux et fascinés tous deux. C’est lui qui d’emblée me proposa un verre de pastis.

Mes silences à ses questions pressantes le déstabilisent ; je sens en ce lieu un sentiment de joie proche. Il réussit à me dire à un moment donné « moi aussi je suis heureux que tu sois là, sois le bienvenu ». Il dit à son pote je suis heureux que ce mec soit là, arrête de l’agresser, laisse le parler.

Je me sens soudain comme un messie possible, les visages se figent, le silence se fait. Arram se met à me sourire et à baisser le regard, en signe de respect à mon égard. Il me répète curieusement « sois le bienvenu ».

Pendant ce temps, en arrière plan, le jeune slameur à la beauté fulgurante m’observe, rit, s’amuse. Je sais que je le gêne ouvertement, l’ai ouvertement dragué et en quelque sorte humilié aux yeux des autres. Le ton monte.

Depuis le début, un gars paraît particulièrement chaud, prêt à me cogner, à mettre un terme à tout ça ; il est blond, la peau livide, quasi l’allure d’un albinos. Par moments il me crie dessus, me bouscule, me traîte de PD, me demande et me redemande : t’es PD, c’est ça ? Comme si je ne l’avais pas clairement énoncé tout à l’heure… je lui réponds des « et toi t’es sourd ? », «  ça te regarde ? », « oui et alors, quel rapport ? »… bref ça s’envenime, ça chauffe, ça tourne au bouillon….

Il est environ 6h40 du matin. Je m’assois sur une chaise, contre le mur, près de cette fille qui, toujours, porte son enfant, endormi, dans les bras. Du début elle a tout observé sans broncher, indifférente ou incrédule ou par trop occupée par le sommeil de l’Enfant?

Dans l’assemblée il y en a d’autres qui je pense n’ont rien capté de tout cela.

Assis près d’elle je la regarde souvent de profil, elle a de grands yeux verts ; ils se croisent sans se parler. Assis là je suis plus près et en face du slameur, dont je n’ai toujours pas compris le prénom. Il gesticule, sort, entre de la pièce, fuit, se chamaille, s’explique avec les autres… est amusé.

J’entends, dans le couloir qu’il se fait agresser c’est quoi ton problème ? t’es PD toi aussi, c’est ça ?

Vvers 7h, le locataire des lieux vient soudain vers moi, revenant de la cage d’escalier, il me prend entre 4 yeux maintenant tu te casses !


Tranquillement, excédé mais tranquillement il me répète 3 fois : tu te casses. C’est bon tu te casses.

Je me lève et formule plusieurs mots d’excuse désolé je n’ai pas voulu t’offenser, désolé je n’ai pas voulu déranger, ok, je m’en vais, pas de souci, merci pour ton accueil… désolé… 

Je sors de l’appartement, et fais un au revoir général, confus, blême…. Merci pour tout, au revoir, désolé….


Sur le pas de porte et sur le pallier je découvre comme une escorte : 4 gars qui m’attendent. Merde.

Je suis depuis 1 heure dans un vrai flip, persuadé de finir bastonné dans la cage. Voilà ça se présente. Je n’ose plus m’avancer, convaincu que cet alignement me force à m’avancer vers la rampe de l’escalier et qu’une seule issue est possible : ils vont me pousser par dessus la rambarde, du deuxième étage ou dans les escaliers. Du Hitchcock. Je suis dans un état de peur ; je m’arrête le dos au mur, 2 gars de chaque côté de moi dont 2 sont franchement énervés et crient casse toi putain sale pédale  je reçois soudain sur la mâchoire droite 2 coups de paume de main, assénés par le mec blond aux yeux rouges, décidément pas mon pote sur ce coup-là. Je le regarde, sévère mais tranquille, sans un mot. Je n’ai rien senti et je me la jouerais presque à tendre l’autre joue.

J’aperçois plus loin sur ma gauche le beau slameur qui déboule, visiblement tout émoustillé, hagard, fatigué par tout ça. Il se lève puis se rassoit, tout perturbé. Un autre à ma droite me bouscule et me dit allez dégage . Je leur réponds je bougerai pas, je sais que vous aller me pousser j’ai pas envie de mourir je ne suis pas venu pour vous emmerder c’est bon calmez vous on n’est pas des bêtes j’avancerai pas vous allez me pousser … j’entends  t’as peur pédale, de  quoi… ? barre toi… allez descends…. 

Quand enfin, le slameur (putain c’est quoi ton nom, dis-moi ton nom ?) se précipite sur la première marche de l’escalier, ouvre les bras, fait barrage à la meute, insultant l’un de ses potes au passage, me regarde et dit allez vas-y tu peux passer s’il te plaît

Sans me retourner et profondément ému je m’engage et dis
oui, maintenant, je sais que je peux partir

Je descends lentement, sans me retourner, les deux étages ; le bruit s’estompe, le calme est revenu ; je sors dans la rue ; le silence de l’aube. Je rentre chez moi. M’endors.







Aujourd’hui, j’en rêve toujours mais ne l’ai jamais revu le slameur


















Textes mis en musique (autrement dit, des chansons par monsieur moi...)

ICI:

RêVOLePTiK - chansons